Témoignages et reflets
Témoignages et reflets
Stage 8-9 mars 2025
Avant même que commence le stage, la beauté et la joie se reflétaient déjà dans l’Ikebana déposé au kamisa.
L’espace d’une minute, Sensei nous invite à écouter les sons (les voix du dehors, le roucoulement des pigeons, le cri de la corneille), à accorder de l’attention à la lumière qui inonde le dojo, à profiter de la douceur de la température et de la fraicheur de la brise légère. Nous avons été attentifs au printemps. À la beauté et à la joie qu’apporte cette saison.
Le calme qui règne au-dehors m’apporte aussi de la tranquillité. M’ouvrir à ce calme est une chance car les attaques tranchent l’égo et le uke (attaquant) est sincèrement déterminé à ne rien laisser passer. Sans la connexion à une forme de tranquillité, j’ai tendance à abandonner et il m’est impossible de progresser.
À chaque stage, le groupe est différent. Il règne une vraie harmonie lors des temps de pause et à la fin du week-end. C’est comme les rayons du soleil qui éclairent dans toutes les directions : chaque participant s’est enrichi de l’esprit de l’Aïkido.
Laurence
Kangeiko (寒稽古), 3-8 Février 2025
La terre humide et glacée sous mes pieds devient tranchante. Ils ne distinguent plus l’herbe des pierres. J’ai tellement mal aux pieds. Mon souffle brûle ma bouche ; quand j’expire, l’air gelé me coupe les lèvres.
Lorsque je prends le bokken dans mes mains, il est déjà glacial. Les mouvements de mon corps sont rigides, anguleux, loin d’être harmonieux. Ce n’est qu’après quelques minutes d’échauffement qu’ils commencent à se fluidifier, mais le contraste avec le froid piquant de la terre et du bois du bokken est décourageant.
En cercle, tous ensemble, nous fendons l’air avec nos bokken cristallisés. Mes mains, tout aussi glacées, ne font plus qu’un avec le bois, comme si nous étions un seul et même bloc de glace.
Les arbres se rassemblent eux aussi en cercle autour de nous, dans une silencieuse contemplation, tels des anciens Sensei, sereins et satisfaits de voir leurs kohai pratiquer avec tant d’intensité dans l’hiver qui rythme les vies de chaque être.
Mes pieds peinent à suivre mes intentions : je suis lente, engourdie et gelée. La lumière du dojo, comme un chaleureux foyer, éclaire l’obscurité, me permettant de reconnaître les silhouettes de mes frères et sœurs d’armes : sans lunettes, ma vue est floue, mais je perçois clairement les respirations de chacun d’eux.
Mon esprit, suspendu dans la répétition des gestes, perd la notion du temps, entrant dans une dimension au-delà de l’espace. Seule la terre me ramène au présent, à travers la douleur que je ressens dans mes pieds, devenant ainsi une expérience mystique. Avec peine, je mets mes tongs et me dirige vers l’entrée du dojo. Je désire ardemment plonger mes pieds dans le baquet rempli d’eau tiède, mais devant moi se trouvent toutes les ceintures noires, et je suis la dernière. Lorsque mon tour arrive, l’eau est trouble, pleine de boue et de feuilles. Pourtant, cette eau marron est tout ce que je désire maintenant.
Nous sommes sur le tatami, shin kokyu, arigato gozaimashita, Adrien Sensei nous montre le premier waza, onegaishimasu : enfin, nous sommes chez nous.
Alice
Kagami Biraki, stage d’ouverture de l’année
Il est si beau ce dojo.
Si lumineux de ces rayons ensoleillant nos visages essoufflés et investis. Ces corps, ces coeurs et ces esprits qui, chute après chute, deviennent un peu moins rigides, un peu plus rayonnants.
Nos corps roulent et nos esprits tentent de s’apaiser. Nos nuques se courbent et nos coeurs tentent de s’ouvrir.
Encore et encore, dans l’infinie danse ronde.
Il est si beau ce dojo.
C’est un lieu dédié à la pratique de l’art martial. C’est un lieu où on décide volontairement de venir pour se faire agresser, pour s’entraîner à appréhender l’attaque. Paradoxalement, de ces intentions émanent dans ce dojo un sentiment d’une immense sécurité et d’une profonde paix. On s’y sent à la maison. Peut-être même mieux qu’à la maison.
Il en devient sanctuaire. Temple sacré pour les kamis et nos frères et sœurs d’armes.
Eloïse

Premier dimanche 2025, plage d’Hermance
Immédiatement saisi par beauté de la nature, le temps se distend.
Ce matin calme est accompagné d’un peu de vent frais qui fait bouger les branches.

Le ciel est immense, clair, parsemé de quelques nuages.
En face, le Jura est blanc, pur.
Tous mes sens sont à l’affût.
Un vol de cygne, le chant des vagues, toute la vie est là pour nous accueillir.
Comme chaque année les pratiquants du Takemusu dojo se retrouvent au milieu de cette nature vivante pour une pratique de purification.
Habillés en Gi (kimono) et accompagnés de nos Bokkens, nous effectuerons quelques coupes pour célébrer la Nouvelle Année et remercier la vie.
Après ce bain de nature revigorant et rafraichissant, la pratique se terminera au dojo par un moment convivial autour d’une bonne soupe bien chaude.
Merci à mes frères et sœurs d’arme pour ces moments magiques.
Bertrand
Misogi 2025
Je me rends à la plage d’Hermance avec un aïkidoka qui a une confiance communicative et apaisante pour moi. Il fait doux, le vent souffle fort et de très belles montagnes nous font face : la chaîne du Jura. Avant d’entrer dans l’eau, nous faisons quelques coupes au bokken. J’ai le soleil devant moi et je pense à ses rayons qui éclairent notre groupe disposé en cercle. Le bruit des vagues me parvient dans l’instant.

Nous enlevons la veste de notre gi et entrons dans le lac, tous face aux montagnes. Nous faisons shin kokyu, ensemble, dans le même esprit : démarrer l’année 2025 avec une énergie nouvelle, fraîche, belle, lumineuse et profonde. L’énergie, apportée par le lac, le soleil, le vent et tous les éléments naturels qui nous entourent est unifiée dans le ki-aï que nous faisons en même temps. Une fois sortis de l’eau cette unité reste. Nous partageons des gâteaux et du thé, prenons des nouvelles les uns des autres. Nous sommes heureux à l’extérieur et nous en oublions presque le froid. J’aime débuter l’année avec cette pratique qui nous invite à nous recentrer, à donner et à recevoir.
Laurence
Misogi 2025
C’est cette idée du rituel annuel qui me plaît, je crois… Ce retour « à zéro » marquant chaque début d’année dans ma vie depuis plusieurs années. Certains visages ne sont plus là, mais chaque janvier sur cette plage d’Hermance, les souvenirs de mes précédents Misogi ressurgissent : vent, froid sec, parfois sous la pluie. Puis la vision du lac, majestueux. Les montagnes couvrant tout notre champ de vision. Le spectacle est toujours aussi touchant et l’air y est vivifiant. Il fait froid ce matin… le ciel est dégagé, balayé par ce vent constant, mouvant l’énergie du ciel et de l’eau en même temps. Il remue mes rigidités personnelles, mais il est temps d’enfiler les « Gi » (kimonos), prendre nos « bokken » (sabres en bois) en main et commencer la pratique. Les autres pratiquants et le Sensei (maître) me donnent l’énergie de démarrer mes coupes. Bientôt il faudra entrer dans l’eau et continuer cette purification de l’être et de l’ancienne énergie de l’année passée, afin d’en accueillir une toute fraîche et nouvelle pour celle qui débute. Quels défis vais-je rencontrer ? Quels seront mes choix face aux situations que je rencontrerai ? Quelles joies expérimenterai-je ? Peu m’importe. Le vide est fait et je me sens prêt à tout accueillir. Autour de moi, ce dimanche, que des sourires, et j’en suis sûr, ce même sentiment partagé.
Manoel

16 décembre 2024
Il fait brumeux et pluvieux ce matin. Avec l’intention de faire kengaku, une pratique d’observation, je me dirige vers le dojo en tentant en vain de me rassembler, mais mon esprit et mon corps ne suivent pas. Je me sens « bara-bara » comme le dit souvent le Sensei, lorsque nous exécutons nos wazas d’une manière complètement désordonnée. Cependant, après avoir franchi le seuil de la porte du dojo, tout change. Des visages doux et familiers me saluent avec un regard pétillant ; je les salue en retour avec le sentiment de revenir à la maison après un long et dur voyage.
Le nettoyage est en train de se faire de fond en comble, et même si le dojo paraît propre à première vue, rien n’échappe aux aïkidokas qui discernent facilement la moindre petite poussière.
L’ouverture du stage commence par un norito mélodieux. Lâche tout et remplis-toi, me dis-je, alors je ferme les yeux et écoute le chant. S’enchaîne ensuite le shinkokyu, où tout le monde donne tout ce qu’il a. Je me joins momentanément aux autres pour me remplir d’énergie à mon tour. La dynamique change de nouveau et les aïkidokas commencent les wazas, après la démonstration du Sensei. Je les regarde, emmitouflée dans mes pulls et mes couvertures, comme si j’étais hypnotisée par la beauté de leurs mouvements. Comment font-ils pour continuer à pratiquer dans un froid pareil, sans se fatiguer et toujours avec le sourire ? J’en suis profondément impressionnée. Tous leurs mouvements sont musique, leur posture une peinture et leur esprit un trésor. L’art du monde semble se manifester à travers leur existence, je vois que les aïkidokas sont des « artistes de la vie ».
Le lendemain matin, ma joie est grande en voyant par la fenêtre que le stratus s’est dégagé et le soleil enfin revenu. Se pourrait-il que les Kami-sama nous aient entendus… ?
Fin d’automne
À travers la fenêtre j’aperçois
La rosée du matin
Par sa splendide clarté
Je m’éprends du ciel
秋暮れて
窓から見渡す
露時雨
澄んだ空に
見とれる私
Mizuki

Un Yamabushi à Mase, Valais
Durant ce début du mois d’août 2024, le Aikido Geneva Takemusu Dojo s’est rendu à la colonie de Mase pour y organiser son stage d’été. Un stage d’Aïkido, art martial japonais. Pour cette occasion, Jean-Pierre Kunzi, résident à Nax, fondateur et instructeur principal du Takemusu Dojo, a invité l’un de ses amis du Japon, Ueno san, prêtre Yamabushi.

Les Yamabushi sont les moines guerriers de la montagne. Ils pratiquent le Shugendo, une forme de Bouddhisme animiste qui a pris la forme actuelle au 7e siècle et dont les rituels remontent à plus de mille ans. Bien qu’ils jouissent d’un grand respect de la part de la population japonaise, leurs rites et pratiques restent secrets et mystérieux. On dit d’eux qu’ils possèdent, notamment, des pouvoirs liés au feu et à la guérison. À échéances régulières, Ueno san se retire avec ses confrères dans les montagnes sacrées de Kumano pour y pratiquer l’ascèse et s’unifier aux esprits de la nature.
À côté de sa pratique du Shugendo, Ueno san pratique l’Aïkido depuis de nombreuses années avec un grand maître âgé maintenant de nonante-trois ans. Ueno san est aussi guide de montagne, instructeur de kayak, de stand up paddle et pisteur de ski dans les Alpes japonaises où il se rend chaque hiver. Par ailleurs, avec son épouse, il tient une petite auberge à Hongu, dans les montagnes de Kumano, proche d’un célèbre temple qui est classé au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO. Ueno san y accueille les nombreux pèlerins du Kumano Kodo, fameux chemin de pèlerinage de la région de Kumano.

Arrivée du groupe le lundi 5 août en fin de matinée à la colonie de Mase. Rapidement, les 52 tatamis sont installés, les vivres sont stockés, chacun met la main à la pâte pour préparer le premier repas, et le stage démarre dans l’après-midi. Dix-neuf participants et deux instructeurs investissent les lieux.
Un profond et beau sutra bouddhiste ouvre la première pratique, puis s’enchaîne la danse ronde et fluide des corps qui tournent, chutent et se relèvent dans un ballet harmonieux. Chacun fait de son mieux, donne le meilleur de lui-même, cherche à accomplir le geste le plus beau possible sans un mot, au cœur de la montagne. Le thème du stage : l’unité avec la nature. Quel plus bel écrin auraient pu trouver ces aïkidokas pour leur entraînement que ce magnifique val d’Hérens ?

Au fil des six jours de stage s’enchaînent alors les nettoyages, les entraînements, la cuisine, les repas, les soirées riches en partages et en rires, les chants accompagnés de la guitare, les nuits trop courtes,… Tout ceci d’une manière fluide, efficace, harmonieuse, joyeuse, chaleureuse aussi, chacun donnant le meilleur de lui-même, le tout ponctué de quelques belles excursions dans le val d’Hérens et d’un entraînement pratiqué au cœur de la forêt, suivi d’une belle et succulente grillade.
Sous les précieuses indications des deux instructeurs expérimentés, chaque participant voit peu à peu son incessant bruit cérébral se calmer, une paix intérieure se diffuser et la joie grandir.
Puis arrive le samedi, jour du départ. L’heure est aux remerciements, la reconnaissance est grande, l’émotion palpable. Rapidement, les tatamis et le matériel sont chargés dans le camion et la colonie remise en état. Restent un peu de fatigue, le précieux sentiment d’avoir vécu une expérience exceptionnelle, des lumières dans les yeux, de la joie, de la reconnaissance,… et la beauté de la nature.

Stage Itinérant dans le Jura, Suisse, 5-7 avril 2024
C’est parti : le matin tôt, je ferme la porte de chez moi, alourdie par un sac à dos plein et par des chaussures lourdes, encore trop neuves. Un cocktail d’émotions m’accompagne vers la gare, je suis contente et fière d’enfin prendre le courage de partir 3 jours dans la montagne, je crains de ne pas être capable de tenir aussi longtemps dans la montagne, dans la nature, de marcher de nombreuses heures par jour, de rester ici et maintenant, malgré la fatigue et l’effort. Fleurs blanches, fleurs violettes, terre molle et herbe accompagnent mon regard depuis que nous avons quitté la route en béton qui nous amène dans la montagne. C’est difficile de ne pas fuir avec la tête : je chante plein de mélodies différentes, je pense à ce que j’ai quitté et que je vais retrouver dans ti jours… Je pense à la fin du stage, au retour à mon confort et au sentiment de bonheur qui m’accompagnera à la fin.
Fleurs violettes, fleurs blanches, je commence à avoir très mal aux pieds, c’est encore la première moitié du premier jour, comment cela se fait-il ? La colère monte, je suis derrière le groupe, je veux m’arrêter. Pourquoi Adrien Sensei continue-t-il à marcher ? Pourquoi ne regarde-t-il pas derrière soi et continue-t-il à monter, monter, marcher, marcher… ? Pour aller où en plus ? En effet, c’est où qu’on va ? Ces questions envahissent mon cerveau. Je n’en peux plus, ma gorge est serrée, j’ai tellement envie de pleurer.
Fleurs blanches, fleurs violettes, je vais pleurer, je n’en peux plus, c’est quand qu’on arrive au sommet ? Et enfin on y arrive. Une croix gigantesque s’interpose entre moi et l’extraordinaire vue sur le lac. Je suis vraiment fâchée. Le vent fort, fortissime, m’accable comme une gifle. Je me retourne et m’assois, dos à la vue si belle à couper le souffle, et les larmes commencent à baigner mes yeux et mon visage. Elles ne s’arrêtent pas. Je ne veux voir personne, parler avec personne, je continue à pleurer. J’ai de la colère contre Adrien Sensei, j’ai même de la colère contre les montagnes, les arbres et toute cette nature si difficile à appréhender. Et après je m’en veux de m’être lancée dans cette entreprise si dure et hostile. Puis je m’en veux de ressentir tout ça. Je ferme les yeux. Finalement, tout mon corps a besoin de repos.
C’est reparti, je regarde par terre, les fleurs blanches et les fleurs violettes sont toujours là. Je marche, je marche, je marche, ça recommence, je n’en peux plus. C’est quand qu’on s’arrête ? Il est quelle heure, là ? Allez, c’est bon, on a encore une pratique à faire avant la nuit, et ensuite monter les tentes, manger ? Il faut bien s’arrêter ! Enfin, Adrien s’arrête, se retourne et nous regarde avec un grand sourire : « Comment allez-vous ? » ttout le monde a l’air d’aller bien, sauf moi, encore très fâchée, je réponds : « Mal. Je n’en peux plus. En fait, on va où là ? » J’arrête de parler, encore un mot et je vais recommencer à pleurer. Adrien Sensei demande à tous d’alléger le poids de mon sac à dos en partageant certaines de mes affaires. Après, il cherche un endroit où dormir et nous dis qu’on y est presque. C’est bon, on s’est arrêté, on monte les tentes. Je décide de pratiquer le bô avec les autres et de ne pas juste regarder la pratique. La nuit tombe. Le premier jour est terminé. Je suis fatiguée, suis éprouvée. Je ferme les yeux, dans l’inconfort de la tente, je n’arrive pas à m’endormir. Nous nous réveillons à l’aube pour méditer alors que le soleil se lève. La vue est encore une fois spectaculaire. Le lac est plus loin, mais encore là, c’est magnifique ! Je suis triste. J’en ai marre. Allez, encore deux jours ! J’y arriverai,… ou pas ?
C’est reparti. J’ai encore plus mal aux pieds qu’hier, et maintenant j’ai aussi des douleurs aux épaules et aux hanches, aux endroits où le sac à dos exerce une pression. On marche et on marche, et voici mes fleurs blanches et violettes, tout le long des chemins. Parfois il y en a aussi des jaunes. Cette fois-ci je marche derrière Adrien Sensei, je reste dans son rythme, plus lent par rapport à hier. Je ne regarde pas derrière moi, de temps en temps je me force à regarder autour de moi. Mais c’est le désert. L’angoisse, très timidement, se manifeste en moi.
Pourquoi on continue à marcher comme ça, dans le vide, en rond, sans but, sans destination ? Je suis loin de tout confort, de toute référence, même en le voulant je ne pourrais pas retourner en arrière. Je suis piégée. Oh là, là ! Pas de magasin, pas de source d’eau fraîche, pas de pause entre les quatre murs d’une pièce. Le vent est très fort. Je commence à apprécier mes vêtements adaptés qui me protègent du vent. La pratique est exigeante, j’accepte d’y entrer dedans et de salir mon gi. On marche, on monte, on descend, fleurs blanches et fleurs violettes, on monte jusqu’à un autre sommet. Nous sommes tellement loin du lac, on ne voit plus Genève. C’est beau. Le vent me fatigue.
Une longue méditation, la tête s’envole, je retourne à moi, je suis fatiguée. Et une autre pratique, c’est dur, la vue est magnifique. Le soir, le feu, la nuit. Adrien Sensei sourit, mes frères et sœurs d’armes sont là. Nous sommes ensemble à vivre tout cela. En effet je ne suis pas toute seule. Pendant la nuit je n’ai plus froid, je ferme les yeux. Je ne dors pas beaucoup. C’est le matin. Le brouillard matinal recouvre légèrement la vue. Le vent, fort et incessant, m’aide à rester dans le présent durant une autre interminable méditation. Une autre pratique, je n’ai pas d’énergie. Et voilà que ma colère remonte. Je me sens bloquée, il me semble que tous utilisent leurs muscles et qu’ils me bloquent. Je m’énerve. Je m’énerve contre Adrien Sensei, pourquoi ne me laisse-t-il pas réaliser mes wazas ? Et les autres de même ? C’est insupportable !
La pratique est terminée, je vais vers Adrien sensei. Je lui parle de mon ressenti, de ma colère envers lui, envers ce stage, les montagnes, les arbres et moi-même. Il sourit et me dit : « ta colère est la bienvenue ». Sa réaction me ramène à l’habitude d’être critiquée et rejetée à la manifestation de mes émotions. Et cela, par conséquence, m’amène un sentiment d’immense gratitude. Gratitude envers cette pratique éprouvante, envers cette expérience dure, envers mon Sensei et sa transmission d’enseignements, envers Adrien et son immense bienveillance, envers mes frères et sœurs d’armes et leur si précieuse présence dans ma vie. Envers moi et mon choix de suivre cette voie. Envers la nature, les montagnes et tous les sommets qui restent encore à gravir.
Et c’est avec tout cela que la marche reprend. Assez rapidement, Adrien Sensei se retourne vers moi et me dit : « Marche un moment devant ! ». « Qui, moi ?! » Je réponds à voix haute sans même m’en rendre compte.
Et à partir de là, tout change. La première émotion est très forte : je suis là, devant moi un chemin à suivre, à trouver, à créer dans l’infini de possibilités que cette immense nature me met à disposition. Je vois les fleurs blanches, les fleurs violettes, les arbres immenses qui bougent aux douces caresses du vent, j’entends le chant des oiseaux qui nous accompagne depuis le premier jour. Je regarde la beauté des sommets et la vue.
Je marche, je suis là, je ne sens plus ni fatigue, ni douleurs, je ne veux pas m’arrêter. Je marche, je suis confiante. Serait-ce le bon chemin à suivre ? Je regarde rapidement Adrien Sensei derrière moi, il ne dit rien. Il est tranquille, je suis tranquille. Et je marche, je marche, mes fleurs violettes, mes fleurs blanches. Mais elles sont partout, mais quelle beauté ! Je veux gravir les sommets devant moi, je veux voir ce qu’il y a derrière. Je suis touchée par ce cadeau qu’Adrien et les kami m’ont offert. Et soudainement, la carte de cette région du Jura est dans mes mains.
Je guide maintenant le groupe. Adrien Sensei m’indique sur la carte les points où arriver, et moi, j’essaie de m’orienter et de trouver les bons chemins. Mais il y en a beaucoup. C’est une découverte après l’autre, je ne sais pas ce qui m’attend au bout de chaque chemin, au sommet de chaque colline. Mais c’est là que je veux aller.
C’est extraordinaire, je n’ai plus à penser à la fatigue, ou aux douleurs, je ne les sens même plus. Je marche, j’éprouve du plaisir à le faire. Et le temps ? Existe-t-il ? Il n’a plus d’importance, je marche, tout est immense devant moi.
Chaque ouverture des enclos des bergers qu’on traverse, je la ressens comme un torii des temples japonais. J’ai presque envie de m’incliner à chaque portail. Je le fais avec la pensée. Chaque portail est comme un cap à franchir. Quand je le traverse j’ai la même sensation que j’ai eue en rentrant dans un temple de Kumano, la même humilité, les mêmes belles émotions.
On s’arrête pour se reposer. (Déjà ?) On s’endort tous sous les arbres. La paix, le vent, le chant des oiseaux. Nous sommes une seule chose. Après, Adrien Sensei laisse sortir de son corps un Norito d’une puissance extraordinaire, c’était la voix des kami et non plus la sienne. Il le chante devant un grand rocher, qu’il m’expliquera après avoir une très forte importance pour lui, pour l’énergie qu’il dégage, et pour sa forme ressemblant à un Dragon. On reprend le chemin, je suis devant. Il faut maintenant trouver le chemin pour arriver au sommet, le premier où nous nous sommes s’est arrêtés le premier jour pour la première pratique. Adrien Sensei m’indique la direction, mais il me laisse trouver le bon chemin toute seule. Il me laisse choisir, sans rien me dire.
Et moi, je suis appelée, je choisis le chemin le plus raide, parmi les arbres. Le plus dur, mais le plus direct, selon mon ressenti. C’est peut-être le plus raide des chemins parcourus jusqu’à là. Mais j’y vais, avec détermination. C’est là qu’on doit aller.
J’arrive au sommet, même pas trop essoufflée. Et je découvre avec une immense joie qu’on est arrivé exactement là où on devait aller. Adrien Sensei me dira après qu’il y avait d’autres chemins pour y arriver, bien moins raides et difficiles, mais j’ai choisi la voie la plus directe et la plus difficile. Exactement comme l’Aïkido.
C’est notre dernière pratique, je suis fatiguée mais pas trop, je suis dedans, tout le monde donne le meilleur de soi. C’est tellement touchant. Je suis tellement heureuse. Je suis par terre et mon regard est captivé par un grand faucon (peut-être un aigle) au-dessus de moi, j’ai l’impression qu’il m’appelle et m’observe. Je prends sa force en moi. La dernière pratique se termine.
On y est, c’est la dernière marche qui nous amènera au point de départ. Je suis encore devant. Je commence à ressentir des douleurs dans mon corps, mais je suis tellement heureuse d’être partie. Ma colère a disparue. Je marche, je suis immergée dans la nature, je ne la crains pas, je la trouve belle et pleine de possibilités.
Je dis au revoir aux arbres, au sol si irrégulier et mou, aux arbres encore, à ma colère, ma peur et mon angoisse. Je dis au revoir à mes fleurs violettes, à mes fleurs blanches, que je quitte petit à petit derrière moi, pour retrouver la route asphaltée, les maisons et les voitures. Un corbeau nous a salué en rentrant dans la forêt le premier jour, et on le retrouve là, à l’arrivée à Saint-Cergues au troisième jour.
Nous sommes au bon endroit.
Ici et maintenant, rien ne pourrait être mieux que cela.
Valeria

Stage du printemps 2024
En fin de stage, nous terminons souvent par randori : près d’une dizaine d’attaquants, et nous seuls au milieu. Rien n’est préparé et les attaquants sont comme des lionnes affamées, prêts à bondir sur nous.
Et là, au milieu, un miracle : mon esprit et mon cœur changent de paradigme. La peur, l’envie de bien faire ou d’être puissant sont remplacées par l’amour, le soin et la compassion : « Allez, faisons-les chuter encore un peu, ça va leur faire du bien ». Les attaquants disparaissent et ne restent plus que des humains, des humains de grande valeur qui viennent avec une formidable énergie.
La transformation de la peur en amour, de la défense en accueil, c’est le bouleversement total de tous mes conditionnements d’enfance. Mon chemin dans l’Aïkido est parsemé de tels cadeaux. À chaque fois, c’est une fenêtre qui s’ouvre ; une fenêtre vers une manière de vivre nouvelle, insoupçonnée, incroyable et si évidente à la fois.
Isaïe
Voyage au Japon
Partir au Japon durant deux semaines dans le cadre du dojo, c’est partir s’entraîner. Entraîner son corps, son esprit, son cœur.
Cet entraînement est incessant. Il commence au départ de Genève. Le long voyage en avion nous impose une immobilité pénible. Nous arrivons désorienté par le décalage horaire, et sommes tout de suite plongés dans la pratique sur les tatamis. Ces pratiques sont longues et fréquentes, les heures de repos bien rares. Chaque jour compte pour une semaine.
Les perles sont enfilées sur le cordon de soie de nos journées sans discontinuer, l’une après l’autre. Elles sont si nombreuses ! J’en évoque quelques-unes, parmi tant. La fraîcheur de l’air dans les escaliers de Kamikura San, la masse puissante du rocher qui les surplombe. Le doux frottement du gravier sous nos pieds devant les temples de Hayatama Jinja, les tintements des cloches secouées par les mains des visiteurs. La danse ronde de la pratique matinale, la beauté et la fluidité des mouvements des pratiquants. Les perles d’eau qui tombent dans la lumière du soleil au fond d’un vallon ombreux.
Chacun de ces moment requiert de nous une disponibilité investie. Se relâcher, c’est être certain de passer à côté. Il faut laisser s’en aller dans le courant puissant l’agacement, l’insécurité, le sentiment de ne pas être à la hauteur, celui de ne pas être digne de recevoir tant de bienfaits, le désir de plaire, la peur de décevoir.
Parmi tous les enseignements que nous recevons, ceux qui m’en imposent le plus sont ceux qui sont sans paroles.
Après la collation de midi, Anno Senseï se lève sans un mot et s’enfonce dans les buissons. Sa détermination est invraisemblable sur le sentier bordant le vide, son courage à aller de l’avant, toujours de l’avant, encore de l’avant, malgré l’âge, malgré les faiblesses du corps, est indomptable. J’en suis éperdu d’admiration.
Durant deux semaines un pratiquant japonais nous a accompagnés, nous a guidés. Il a œuvré pour rendre possibles des rencontres, des événements, des visites. Il n’a compté ni son temps, ni ses efforts. Il a partagé avec nous des trésors, sans rien demander en retour. C’est la pure et simple mise en actes de l’enseignement de l’Aïkido, sans affectation ni forfanterie. C’est si beau, si limpide.
Nous sommes des cailloux roulés sur la plage par les vagues. Peu à peu nous perdons nos aspérités et devenons ronds et doux.
Et il y a encore tant à faire ! Comme Anno Senseï, ayons le courage d’aller de l’avant avec détermination tant qu’il nous est possible de bouger.
Adrien

Stage de Finhaut
Comme chaque année, le Takemusu Dojo a déposé ses tatamis, le temps d’une semaine, dans le petit village de Finhaut.
Et comme chaque année, ce stage a eu une couleur unique.
Cette édition fut marquée par une météo Darjeelinesque, agréable par sa température et de toute beauté par ces brumes magnifiques.
Les pratiques ont également eu une saveur nouvelle, avec une énergie fraiche et des wasa surprenants directement importés du Japon par Jean-Pierre Sensei.
Ce stage fût également l’occasion, pour nous, pratiquants, de nous fondre dans cette belle nature mais aussi de se fondre dans le groupe.
Il est intéressant, pour nous qui vivons dans une société très individualiste, de s’oublier l’espace d’une semaine au profit du groupe.
La bonne volonté de chacun a rendu ce moment exceptionnel.
Vivement l’année prochaine !
Bertrand

Stage Finhaut 2023
Après le brouillard du premier jour, la lumière s’installe. Pas de magie, pas de révélation ni rien d’extraordinaire. À chacun de faire l’expérience des moments en commun, des nettoyages et des pratiques qui sont données matin et soir.
Senseï est toujours disponible, toujours à l’écoute d’une manière complètement tranquille. Dans une totale vigilance à chacun, au bon déroulement du stage, il donne les cours, organise les activités et reçoit le témoignage des pratiquants qui ressentent le besoin de parler.
Deux temps forts ont marqué pour moi cette édition 2023.
Le premier est la descente que nous avons faite à la cascade qui se trouve au fond de la vallée. « Une balade totalement inédite ! » avait annoncé Senseï. Nous partîmes à pied. Comme la plupart d’entre nous, je suis déjà allé jusqu’à cette cascade. Mais j’y reviens car à chaque fois, c’est une rencontre nouvelle qui s’opère. Passage par la Grotte Mystérieuse : avant de descendre, Senseï nous prépare : « Prenez l’énergie du lieu. ». Nous nous enfonçons sous la roche, sous les racines des arbres, en amont de la cascade que je connais. Au centre de cette roche solide, de cette pierre millénaire qui semble incassable, abrupte et immense, coule une puissante source d’eau éclairée par un rayon de soleil. Mon émotion est grande en la voyant si forte, si pure et si présente. Elle est comme une source de vie, qui se fraye un chemin. Je me souviens du bruit assourdissant de son débit, continu, immuable, permanent et tranquille à la fois.
Sans m’en rendre compte, j’ai déjà perdu le groupe de vue. Je remonte et nous nous acheminons vers la partie inférieure de la cascade. Puis nous remontons, heureux, légers, pleins de gratitude pour la nature, sa beauté, sa force, sa profondeur et son amour.
L’autre moment qui m’a particulièrement marqué fut un jour pluvieux. Après la pratique de l’après-midi, nous sommes montés à l’étage pour voir quelques photos du dernier voyage au Japon de Senseï et de Caroline Senseï. Puis nous avons échangé. À ce moment-là, j’ai compris la chance que j’ai d’être ici, dans ce groupe, à ce moment présent. Je me suis rendue compte de la qualité du lien qui nous unit. J’étais émue et fière de moi d’être ici avec eux. Ce qui se passe à ce stage (les pratiques, la participation aux travaux collectifs, les sorties dans la Nature) est beau pour beaucoup de personnes. C’est de cela que nous témoignons. J’ai l’impression que je peux me remercier pour les efforts et les choix que j’ai fait qui m’ont amené là, dans ce dojo, dans ce groupe, dans cet art martial.
Plongée dans la pratique, la semaine est allée si vite. Je garde en moi, les expériences magnifiques que nous avons faites en groupe. L’aïkido est un trésor car il nous lie, fait naître la joie entre nous, le respect, l’amitié et l’admiration.
Cette petite lumière, qui brille en chacun de nous, est nourrie, protégée, rallumée, entretenue.
Je remercie Jean Pierre Senseï pour sa constante disponibilité, sa joie, sa détermination, son exigence, sa douceur, sa grande souplesse, son immense compassion.
Je remercie O Senseï de nous avoir transmis l’aïkido et d’avoir creusé, persévéré, prié les kami, de s’être laissé guider par les kami et d’avoir accepté de partager tout ce qu’il a reçu.
Je remercie profondément les kami de me guider à mon tour sur ce chemin magnifique à la source de la vie.
Recherche de reconnaissance
Ne perds pas ton énergie
Laisse faire le vent
Comme l’araignée
Tu as un cœur
Sers-t’en
Présence et concentration
Se vider complètement
Laisser entrer la lumière
L’eau fraîche a refroidi mes pieds,
Tranquillement installée sur une pierre,
Je laisse venir et partir mes pensées.
Laurence
Première participation au stage d’été
C’est sous un ciel encore peu éclairé d’une couleur bleu foncé que nous nous levons avec peine, pas encore habitués à un réveil si matinal. Toutes sortes de peurs traversent mon esprit à commencer par savoir si je vais réussir à tenir le coup pendant une semaine à pratiquer aussi intensément l’aïkido. Heureusement, ces pensées disparaissent rapidement lorsque s’ensuit le petit-déjeuner où nous sommes accueillis par les visages souriants de tous les pratiquants, ce qui réchauffe mon cœur et me fait oublier tous mes petits tracas. Les pratiques d’aïkido se déroulent dans une atmosphère à la fois joyeuse et dans une tranquillité extrême. Malgré la fatigue et les courbatures, nous continuons d’avancer motivés par l’énergie du groupe.

Un matin très tôt, nous avons la grande chance de pouvoir aller pratiquer le bokken, sabre en bois purificateur, sur une petite plaine au sein de la forêt. Le contact avec la nature et si direct et si simple que nous parvenons à nous y fondre entièrement et à nous épanouir. Quelle belle sensation ! L’air est encore frais et les gouttelettes d’eau sur les arbres et sur l’herbe se transforment en petites perles scintillantes sous les rayons du soleil. Lorsque nous faisons des coupes au bokken, rayonnement et lumière semblent être les seules choses qui existent autour de nous. Jeudi, après le délicieux brunch qui suit la pratique d’aïkido du matin, nous partons tous en balade et descendons du chalet jusqu’à une rivière au bout de laquelle se trouve une cascade d’eau venant directement des glaciers. L’eau est gelée et nous parvenons tant bien que mal à y introduire nos pieds pour aller tout près de la cascade. À partir de ce moment-là, je me place vers le bord en tant qu’observatrice. La majorité des pratiquants vont chacun à leur tour sous la cascade, torrent violent d’eau glacée, pour réciter un norito ou pour faire le shinkokyu. Malgré la puissance et la masse d’eau qui tombe sur leur tête, les aïkidokas ne vacillent pas et sont déterminés à rester jusqu’au bout. À la fin, les pratiquants poussent des kiaï qui sont si puissants et si déchirants, que je me sens d’un coup vidée de tout mon être. Un silence absolu règne à présent autour de moi. L’eau gelée et les cailloux rugueux sur lesquels je marchais ne me font plus mal. Momentanément, mon ego disparaît. De retour au chalet, je suis au bout de mes forces, déjà prête pour une sieste, mais bien plus apaisée et relaxée qu’avant. Réussir à faire confiance à la nature, au groupe, à moi-même, et découvrir que je suis arrivée à lâcher complètement prise est une sensation parfaitement savoureuse.
Vendredi soir, nous profitons de notre dernier dîner tous ensemble dans une ambiance d’excitation et de joie. Les kanpaï se font nombreux et nous avons à peine le temps de poser notre verre qu’en voilà un autre. Nous n’avons plus aucune notion du temps mais cela importe peu, nous continuons à partager et à échanger dans une atmosphère festive. Avec une autre pratiquante, je suis prise d’une folle envie de rire entraînant plusieurs autres personnes au passage ; j’ai l’impression de redevenir une petite enfant de quatre ans. Tout n’est que joie et gaîté maintenant, les visages détendus s’illuminent et font rayonner tout le chalet.
Mizuki

Un cours d’Aïkido pour les enfants
Deux groupes d’enfants et d’adolescents s’entraînent régulièrement au Takemusu Dojo, une école d’Aïkido installée au centre du quartier de la Gradelle.
La pratique de cet art martial traditionnel japonais leur offre l’occasion de développer de nombreuses qualités. L’entraînement régulier des techniques renforce bien sûr les aptitudes physiques des jeunes élèves : la coordination des mouvements, l’équilibre, la vigueur, l’endurance. Les enfants apprennent vite à chuter sans se faire mal, à rester souples pour éviter de se blesser. Mais il leur permet aussi d’apprendre à centrer leur attention en restant immobiles et tranquilles et à bien canaliser leur énergie.
Il n’existe pas de groupes de niveaux. Tous les enfants pratiquent ensemble par groupe d’âge, les petits (7 à 11 ans) de 17h15 à 18h15 et les grands (11 à 15 ans) de 18h30 à 19h30. Ce mélange permet aux débutants de progresser rapidement. Ils peuvent ainsi s’exercer avec des enfants qui ont plus d’expérience et apprendre d’eux. Les instructeurs sont très attentifs au respect et à la sécurité. Ce sont deux valeurs centrales dans les arts martiaux.
Au fil des années, les jeunes pratiquants apprennent à sentir ce qui se passe autour d’eux, à agir de manière appropriée à toute situation, sans attendre, à rester centrés. Ils gagnent en tranquillité et en capacité à prendre leur juste place.
L’atmosphère est joyeuse avant l’entraînement, le dojo est traversé des courses et des jeux des enfants. Sitôt que la pratique commence, elle devient sérieuse et appliquée. Lorsque les enfants rentrent chez eux, c’est souvent dans une joie sautillante. Ils ont déposé au dojo une partie de la fatigue et du poids de la journée et y ont fait le plein d’une belle énergie renouvelée.
Deux cours d’essai gratuits sont possibles pour tous les enfants qui seraient intéressés. Les informations sont disponibles en suivant ce lien.
N’hésitez pas à prendre contact avec nous.
Stage itinérant Jura — 20-22 avril 2023
Après une heure de train et une heure de marche, la forêt se resserre juste derrière notre passage et déjà nous enveloppe entièrement. La grande nature nous aspire en son royaume. Je m’y sens d’abord étrangère, visiteuse en tourisme.

Nous marchons.
Longue marche en file indienne.
Unis et silencieux marcheurs. Chacun avance dans son silence. Le mien m’égare parfois loin d’ici. Puis il me ramène à l’instant, appelé par le chant d’un oiseau ou la présence d’un jeune cerf. La nature tente de pénétrer la forteresse de mon esprit et petit à petit, elle y parvient.
Première pratique en gi.
La blancheur éclatante des gi semble appartenir à une autre dimension. Ces gis et celles et ceux qui les portent rayonnent d’une lumière qui m’en donne des vertiges. Je suis frappée par cette vision presque onirique. Il me semble voir pour la première fois des pratiquants d’Aïkido. La forêt environnante porte la pratique.
Majestueuse marche en file indienne.
Alternant le bò de bambou d’une main à l’autre, l’entrechoquant sporadiquement à une pierre sur le chemin, nous filons les uns derrière les autres. Nous progressons dans la forêt sans autre but que celui de s’unifier à elle. La nature est vaste et chaque endroit est suffisant, généreux.
La destination semble dérisoire voire inexistante. D’ailleurs je me perds. Je n’ai aucune notion de l’espace et du temps. Les journées s’étirent, se déforment et se multiplient. Les lieux se rassemblent par leur beauté et se distinguent par leur végétation.
La neige est présente. J’ai froid. Un froid cru qui s’infiltre entre chaque marche, qui s’engouffre en poussant la porte à chaque fois que le corps est à l’arrêt, à chaque fois que le corps est au repos. Le mouvement ne peut donc s’arrêter. Les nuits sont dures et entrecoupées. J’enfile toutes mes couches et j’appréhende son arrivée. Le froid pénètre au moment du relâchement, lorsque la vigilance baisse et les muscles se détendent. Ainsi, la pratique continue la nuit.

Toute dernière pratique en gi.
Nous les enfilons sous un ciel presque pluvieux. La pluie, généreuse, semble juste nous accorder le temps du transfert d’habits. Le pâturage est détrempé et boueux mais cette fois-ci, nous chutons. La joie et l’excitation de rouler dans l’herbe nous rassemblent. Nos pieds glissent dans la boue et la pluie continue, légère mais présente.
À bout de souffle, les cheveux collés au visage, j’ai la sensation d’être pleinement en vie.
Les gis bruns et trempés, des brindilles sur le front, le corps en contact direct avec la matière, heureux comme des enfants jouant à la bagarre dans la gadoue.
Après trois jours et deux nuits, les bois ont laissé quelques empreintes sur mon être. La grande nature a révélé celle en moi. Je m’y sens moins étrangère.
Au fil des arbres et de la mousse, des Shin Kokkyu et des Wazas, de la pluie et des grêlons, nos corps endoloris se délient et nos cœurs se lient entre nous et avec tout.
Merci beaucoup.
Eloïse
Kangeiko

L’entraînement intensif dans le froid, dans la pure tradition de Kumano.
Quelle puissance, quelle force, quelle beauté, quelle joie, quelle paix intérieure ! Après avoir affronté le froid hivernal chaque matin avant le lever du jour, l’esprit est poli, l’âme purifiée, le corps revigoré. On se sent serein, pleinement connecté à l’instant présent, sans but ni esprit de profit, prêt à accueillir ce que la vie nous offre. Vaste ciel dégagé !
La pratique d’hier a commencé comme une descente en rafting sur un fleuve tumultueux et fougueux. Et plus le lit du fleuve s’élargissait, plus ses remous s’apaisaient.
En fin de pratique, j’ai eu l’impression que tout était devenu calme comme un lac un beau soir d’été.
Philippe

Misogi — janvier 2023

Mêlés à un ciel gris, au vent d’Ouest, à la pluie, dans une eau à 9 degrés et par une température de 6 degrés, les pratiquants de l’AIKIDO GENEVA TAKEMUSU DOJO ont entamé une nouvelle année d’entraînement par le traditionnel Misogi. Le Misogi est une pratique traditionnelle de purification du budo japonais. Elle permet d’aborder la nouvelle année dans les meilleures dispositions par l’immersion et la connexion aux éléments naturels. L’énergie ancienne fait place à la nouvelle. L’extraordinaire fraîcheur de la force créatrice de la nature pénètre les corps et les esprits.

Ainsi vivifiés, les pratiquants se sont retrouvés au chaud autour d’un verre de saké et d’une savoureuse soupe à la courge.
Finhaut — Pique-nique 10 juin 2022
La journée commence par une pratique intense et magnifique sous un soleil chaleureux. Nous sommes immergés dans la nature luxuriante de Finhaut. Quand on pratique dans la nature, la profonde fusion est inévitable, et tout continue, comme une profonde inspiration. Les mouvements se font ronds et naturels.
Les pratiquants sont comme reliés par un fil qui ne se défait pas après chaque course, mais qui, plutôt, se renforce de plus en plus. Et c’est comme ça à chaque fois qu’on passe une journée tous ensemble : c’est comme si on retrouvait des membres de la famille et des proches. Les heures passent avec des moments de partage de paroles, des jeux et du silence, avec légèreté et profondeur.
Quand la fin de la journée approche, c’est le moment des salutations pour certains et d’une nouvelle pratique pour d’autres. Cette nouvelle pratique est une randonnée en montagne, une méditation quasi silencieuse qui demande de la concentration et de la résistance.
Nous partons avec nos sacs à dos pour une longue randonnée.
La marche se fait de plus en plus raide et l’arrivée semble ne jamais se rapprocher. Le temps devient un concept de plus en plus difficile à saisir. Ce n’est plus important, on continue de marcher, chacun à son rythme, mais tous dans la même direction, vers le haut. Quand on s’arrête la première fois, nous n’en sommes qu’à la moitié du voyage. C’est ici que je perds le sens du temps, complètement.

Poser un pied après l’autre en pleine conscience devient une obligation. Et c’est comme ça que pas après pas, inspiration après expiration, nous arrivons en haut, au sommet. La neige, le froid me ramènent sur terre et c’est d’ici que je regarde mon entourage avec émotion et gratitude. C’est juste magnifique et incroyable d’avoir pu arriver jusque là-haut. Le silence est plein et le paysage coupe le souffle.
C’est compliqué de décrire l’énergie et la force qu’une expérience pareille éveille en soi, et c’est absolument improbable de pouvoir vivre une recharge énergétique de cette qualité, malgré l’effort et la concentration qu’une montée pareille demande. L’ascension de la montagne est comme la montée sur le chemin de la vie. Parfois c’est si raide que l’arrivée au sommet paraît impossible. Et pourtant, avec volonté et détermination on peut surmonter n’importe quelle montée de notre existence pour ensuite regarder depuis le haut tout le chemin parcouru.
Les montagnes autour se font proches et nous accompagnent comme des amis fidèles, durant la descente. C’est beau de les regarder changer d’aspect à chaque minute qui nous sépare de la nuit. Tout devient familier et la séparation entre nous et la montagne devient de plus en plus subtile.
Puis un nouveau jour de soleil nous surprend. C’est le moment de redescendre. Nos vies quotidiennes, nos pensées et nos plaines se rapprochent, mais l’énergie est nouvelle, chargée de toute la beauté et de la fraicheur de la montagne.
Valeria
Ouverture du jour
L’aube se lève, l’air est frais, le lac est d’huile, quelques lourds nuages déambulent, tranquillement. Sur le gazon encore trempé par l’orage de la nuit, les pieds nus entament leur danse. Les sabres fendent le souffle du vent et purifient tout sur leur passage. Issus de la terre, de l’eau et du ciel, les wasas animent les corps qui tournent et virevoltent avec la grâce d’un danseur. Un jour nouveau apparaît. Le soleil se lève sur la rade. La pratique se termine, un dernier salut. Puis c’est le savoureux plongeon dans l’eau fraîche du petit matin.


Aikido : Masakatsu agatsu katsu hayabi
Misogi 2022
Pratique de purification pour entrer dans la nouvelle année.

Dimanche 9 janvier 2022. Le lac est gris comme le ciel, le vent froid soulève quelques vagues, l’eau est à 7 degrés et l’air à 1 degré. Comme un seul homme, les Aïkidokas, juste vêtus de leur dogi, saluent les éléments puis se saluent. S’ensuit une série de coupes purificatrices au sabre dans les directions des points cardinaux. La vigueur et les puissants kiaï sont de mise pour surmonter le froid.
Enfin, les vestes sont déposées et les Aïkidokas entrent de quelques pas dans l’eau, pieds nus. Là, ils entament les mouvements rituels millénaires du Japon pour se purifier et s’harmoniser à cette belle nature hivernale, au vaste lac, à la montagne enneigée qui le borde, au vol élégant des mouettes qui passent, aux deux cygnes majestueux, dignes et insensibles au froid, qui déambulent. Une brèche s’ouvre dans les nuages, un magnifique et clair rayon de soleil vient souligner la fin de la pratique. Feu Hikitsuchi Sensei, 10e dan, avec un sourire malicieux, aurait dit : « Nous avons purifié le ciel ! »
Un des pratiquants apportera le témoignage suivant : « Peu importe mon vécu et les poids accumulés durant cette année, le misogi me rassure et me remplit d’une énergie nouvelle pour affronter et vivre pleinement ma vie et cette nouvelle année. »
Automne 2021 : rétrospective

Les pratiquants d’Aïkido du Takemusu Dojo ont poursuivi leur pratique engagée tout au long de l’automne, notamment lors des événements particuliers.

Ils ont tout d’abord eu la chance de pouvoir participer à des entretiens par vidéoconférence avec Anno Sensei, 8e dan, l’un des derniers grands maîtres japonais à avoir pratiqué directement avec le fondateur de l’Aïkido. Organisés par un Dojo californien et rassemblant des pratiquants de tous les continents, ces entretiens avaient lieu à deux heures du matin en Suisse, mais les réponses riches et parfois surprenantes aux questions des pratiquants ont largement récompensé les efforts du réveil nocturne. Comme exemple, on peut notamment évoquer la réponse profondément pacifiste d’Anno Sensei qui remet en question les notions de victoire et de défaite : « Ne pas être défait ne signifie pas avoir vaincu quelqu’un d’autre ».

Les pratiquants du Takemusu Dojo ont également participé à deux stages dirigés par Jean-Pierre Kunzi Sensei, 5e dan, en octobre et en novembre à notre Dojo de Chêne-Bougeries. Par la présence de nombreux pratiquants expérimentés, les stages furent d’un très haut niveau et, parmi tous les enseignements, Sensei a particulièrement insisté sur le fait de se fondre dans le rythme de la nature. Que ce soient les couleurs automnales resplendissantes, les arrangements floraux, le vent qui traversait le Dojo à travers les portes ouvertes ou la lumière du ciel toujours changeante, tout concourrait à aider les participants à mettre en pratique cet enseignement et à ne pas oublier la beauté qui les entoure, même face à un attaquant.
Quel riche et magnifique automne !
Isaïe
2021 no Misogi

Au Japon, la région de Kumano est le berceau de l’Aïkido. Dans ces montagnes reculées du Japon, les magnifiques temples, les sanctuaires ainsi que les pratiques spirituelles qui y sont célébrées ont été classés au Patrimoine mondial de l’Humanité par l’UNESCO. L’Aïkido, tel qu’enseigné par son Fondateur, maître Morihei Ueshiba, est fortement empreint de cette tradition et de ses connaissances secrètes. C’est ainsi que, traditionnellement, les Dojos qui ont encore su conserver ce savoir pratiquent le Misogi lors de l’entrée dans la nouvelle année.
Le Misogi est une purification profonde. Il s’agit de se purifier pour entrer dans la nouvelle année avec une énergie, une pensée, un état émotionnel, un esprit neuf, de se débarrasser de toutes les énergies et pensées lourdes du passé pour aborder le présent dans un nouvel état de fraicheur, d’ouverture et de joie, de se reconnecter pleinement au ciel et à la terre, c’est-à-dire à notre nature profonde. Il s’agit d’une remise à zéro, d’une réinitialisation profonde. Cette pratique a lieu en plein air en étant partiellement immergé dans l’eau d’une rivière, d’un lac ou d’un océan, et ce par n’importe quelle température.
Afin de respecter les mesures sanitaires en vigueur, nous nous sommes répartis en trois groupes distants les uns des autres. L’un s’est retrouvé au bord du lac avec une forte Bise (vent polaire) par une température de l’air de -1 °C et une température de l’eau de 6 °C. Les deux autres groupes ont pratiqué dans l’Arve avec une température de l’eau de 2 °C.
Voici le récit d’une Aïkidoka :
« Ce matin, enveloppés par la grande Nature, au milieu des arbres, des pierres et du vent d’hiver, l’Arve nous a généreusement accueillis pour le Misogi, rituel japonais de début d’année. Placés entre Terre et Ciel, avant que nos pieds nus ne soient invités par l’eau purificatoire, encouragés par des Ki Aï, quelques coupes de Bokken, sabre japonais, ont été effectuées en guise d’échauffement. Puis, mus par nos énergies entretissées par celle du lieu, le rite s’est dessiné selon la tradition. Une poignée de mots autour d’un thé chaud viennent clore l’instant magique ! »
Nadia
Mon chemin
Comment je suis arrivé à l’Aïkido ?
Je suis arrivé tardivement à l’Aïkido, à l’âge de trente ans. J’étais à la fois attiré par la grâce des mouvements de la danse et l’aspect mystérieux des arts martiaux. L’Aïkido regroupe ces deux aspects. Un jour, un ami m’annonça qu’il allait débuter l’Aïkido. Je lui emboitai le pas.
Ce que l’Aïkido m’a apporté ?

Un univers insoupçonné, de vastes nouvelles plaines. La confiance. Une tranquillité et une paix intérieure difficilement ébranlables.
Une profonde connexion à moi-même, à la vie, à autrui. Peu à peu, j’ai appris à voir au-delà des apparences, à ressentir profondément la nature, mon entourage et moi-même.
Une certaine clairvoyance. En me détachant progressivement de mes conditionnements, de mon mental, de mon égo, j’ai eu davantage accès à l’intuition, à ce lien direct entre la vie et soi. Mes pensées, mes paroles et mes actes sont ainsi devenus plus libres et plus justes.
Pour quelle raison je continue de pratiquer ?
Je souhaite conserver et entretenir cet exceptionnel état de clairvoyance, de vigilance et de disponibilité à ce qui se manifeste à tout instant. Je ne souhaite pas un retour à un état de semi-somnolence. Alors, je m’entraîne quotidiennement pour entretenir cette clarté, tout comme je me brosse les dents pour les garder propres.
Dojo, un refuge où je vais me ressourcer
De toutes les pratiques du Takemusu Dojo, c’est celle du matin que je préfère. Dès l’aube et en suivant le cycle des saisons, il m’est offert un moment privilégié où je peux, à travers le mouvement, visiter mon intériorité. Comme dans une longue méditation, je pars à la rencontre de moi-même et l’occasion d’unifier et d’habiter mon corps, mon âme, se présente. L’odeur, l’intensité de la lumière et des sons qu’offre la grande Nature m’invitent à suivre une vague que propose la vie : mon intérieur fait un avec l’énergie du moment ; ainsi m’extrais-je du présent afin de m’y fondre complètement… Une visite truffée de paradoxes, un voyage extraordinaire où il m’est permis de me ressourcer, de me réfugier : un privilège avant d’interagir avec l’extérieur jusqu’au crépuscule.
Nadia Ricou

L’Aïkido malgré le confinement

Cette période bien particulière n’a pas rendu toute pratique impossible, bien au contraire. Habituellement, en cas d’impossibilité de s’entraîner physiquement, les aïkidokas sont invités à assister aux pratiques et à faire kengaku suru, l’apprentissage par l’observation. C’est à une pratique similaire que l’instructeur du Takemusu Dojo, Jean-Pierre Kunzi, a régulièrement invité les pratiquants en leur envoyant des liens vers des vidéos riches et inspirantes. S’appliquer à les regarder en se tenant droit, immobile et en restant totalement concentré fut un réel entraînement à part entière pour les membres du Dojo. Le confinement a également permis au Takemusu Dojo de renforcer ses liens avec plusieurs dojos des États-Unis et d’ailleurs. En effet, il est de coutume de commémorer le décès du fondateur tous les 26 avril. Cette année, Linda Holiday Sensei de Santa Cruz en Californie, 7e Dan Aikikai, a organisé une grande cérémonie par vidéoconférence et a notamment invité les pratiquants du Takemusu Dojo à y participer. Quelque 200 pratiquants du monde entier furent présents et ce fut l’occasion de partages riches et joyeux. Morihei Ueshiba, le fondateur de l’aïkido, avait à cœur de créer une grande famille : qui aurait imaginé que cela s’incarnerait tout particulièrement maintenant ?
Isaïe
Le bruit du vent
Le ciel est un miroir noirci, sombre et profond.
Tous les rêves s’évanouissent les lundis de pratique,
Quand cette tête aveugle, inconsciente et meurtrie s’élance lourdement dans la gueule du loup.
Les muscles sont tendus et le regard est lent,
La volonté s’éveille dans une révolte égale à l’attaque qui surgit.
Quand après le salut, les guerriers se font face,
Ils reprennent soudain leurs esprits d’enfants sages,
Repentant leurs pensées, leurs coups et leurs outrages,
Ils laissent partir au vent le poids de leurs pensées.
C’est au prix de l’effort que l’on se débarrasse de toutes ces idées : elles arrivent puis elles passent.
Le bruit du vent me ramène sur terre,
Il est temps, c’est fini, le cours est terminé.
Laurence

Rires d’enfants
Les lundis de pratique sont comme le ciel noir,
Sombres et profonds, infinis et constants.
Heureusement s’ensuit, en l’espace d’un instant,
Le mardi des ados et les rires des enfants.
Laurence
Les tensions
Les tensions, on essaie de s’en défaire, on s’efforce de se détendre, on se dit qu’on devrait pourtant être plus souple.
L’aïkido nous fait rencontrer ces tensions de près, nous met dans le plus grand inconfort, parfois même de manière insoutenable. L’Aïkido nous fait, en réalité, nous rencontrer nous-mêmes, au plus près de ce qu’on n’a jamais vécu. Le Uke est là pour nous faire nous rencontrer. C’est un face à face avec soi-même sans prétention et sans fausse modestie. Une rencontre parfois difficile et loin de nos illusions.
Dans ce face-à-face, l’ego dévoilé se dérobe à notre vigilance et s’enrobe d’un autre apparat pour reprendre son impérialisme sur notre réalité. L’ego dévoilé nous révèle nos tensions. Aussitôt pourtant, notre égo reprend le dessus par ses injonctions : « Relâche tes tensions ! Améliore-toi et sois performant ! Détends-toi ! ». La détente ne passera pas par ce petit ego, ni par l’attente, ni par l’exigence.
Le corps est le lieu de l’expression de l’inadmissible en nous, de l’émotion insoutenable, du trop grand inconfort qui nous habite qui s’exprime en tension. De la même manière qu’en disant « Ne pense pas à manger ! », immédiatement notre esprit y pense, l’ego nous donne l’injonction de se détendre. Par ce simple fait, nous nous abandonnons nous-mêmes.
Les tensions sont tel un dragon blessé qui ne se laissera pas dompter par l’impatience, la dureté, le jugement ni ne bougera car nous le pensons dans notre chemin. Il s’agit de l’apprivoiser avec la plus grande bienveillance et compréhension pour qu’il nous révèle tel un enfant délaissé sa plus intime vulnérabilité.
Soyons pour nous même le meilleur des amis, le meilleur des soutiens pour accueillir nos fragilités et les panser.
Le réel relâchement des tensions, nous donne accès à notre si belle vulnérabilité qui n’est rien d’autre que notre capacité à ressentir et à vivre plus pleinement. Soyons prêts à voir le pire en nous-mêmes pour rencontrer le meilleur.
Osons ressentir plus pour vivre plus intensément. Lâchons nos tensions pour sortir de l’émotion suscitée par l’autre et éprouver le sentiment de l’autre. Lâchons ce petit ego pour accéder à l’Universel.
Caroline Collin
Stage de Finhaut — Août 2019
Après un passage de col et une route à flanc de montagne, la vallée se trouve dans le brouillard comme pour préserver le mystère vers lequel nous nous rendons. Le clocher du village retentit tel un appel à nos âmes vers l’enseignement qui nous attend.
L’atmosphère est à la joie, le groupe est soudé, l’organisation se déploie et se synchronise, la vie nous déroule le tapis rouge pour nous accueillir en son sein. La réjouissance du stage est partagée par tout un chacun, pourtant il persiste de l’appréhension chez les plus téméraires s’engageant dans cette retraite. Tous, secrètement, rêvons d’un accomplissement, venons chercher une joie de vivre mais nul n’est dupe. La lumière en nous ne sera que plus éclatante au prix d’une rencontre avec notre obscurité.
Il aurait pu échapper, à celui qui manque de vigilance de constater, la peine des pratiquants à se jeter à l’eau dans les premiers jours. Des pratiques avec une touche de frivolité, une légèreté sans densité, une énergie dissipée dans des échanges de cordialités agréables.
La semaine aurait pu se dérouler sous ces auspices s’il n’y avait eu la voix du Sensei qui sonna comme la cloche bouddhiste qui appelle les moines à la prière et qui marque le temps. Le son du gong nous rappelle à notre vibration intérieure. C’est avec cette sincérité et cet engagement-là que le stage a pu se poursuivre.
Les pratiques ont repris avec densité et créativité. Le meilleur des uns enrichissant le mieux des autres. Les moments de partages, rythmés par la musique des étoiles, les torrents des vallées et les cimes des montagnes, étaient d’une simplicité riche et authentique. Les tempêtes traversées, les rires et les pleurs, ont révélé l’éclat dans les regards. Un mouvement, qui s’inscrit dans celui de l’univers, s’est initié au cœur de chacun.
Petit à petit le lieu s’est chargé, comme un havre de paix rempli de vitalité.
C’est enrichis dans nos cœurs et marqués dans nos esprits d’un enseignement d’amour que nous repassons le col et la route à flanc de montagne. L’esprit clair, nous redescendons dans la vallée, sous un vaste ciel dégagé.
Caroline Collin

Stage avec Juerg Steiner Sensei — Mai 2019

Ce premier week-end du mois de mai a débuté par un magnifique stage donné par Juerg Steiner Sensei, 6ème dan Aïkikai Tokyo. Il a eu la générosité de venir partager, avec la dizaine de participants de l’AïkidoTakemusu Dojo, ses nombreuses années de pratiques d’Aikido ainsi que sa riche connaissance du Japon.
Jürg Steiner Sensei a pratiqué l’aïkido durant 12 années au Japon sous la direction de Michio Hikitsuchi Sensei. Il est l’un des rares étrangers à être resté aussi longtemps auprès d’un maître d’une telle expérience. Actuellement établi à Bienne, où il a fondé l’Aïkido Centre Kumano à Bienne, il dirige régulièrement des stages en Europe, en Australie ou encore aux États-Unis.
Récemment revenu d’un mois passé au Japon, encore habité des expériences vécues, il nous rappelle qu’un art martial est aussi la faculté de cultiver et partager le beau qui nous habite et nous entoure. La fraîcheur de la bise du week-end accompagne la fluidité grandissante des mouvements des pratiquants.
La richesse des enseignements reçus a permis à tous les pratiquants d’élargir encore l’infini champ de découverte que peut nous offrir l’Aïkido et redonne ainsi encore un nouvel élan à nos pratiques quotidiennes.
Caroline Collin
Serait-ce une première fois ?
Et subitement réaliser qu’on a pris avec l’air bien plus que de l’air, en soi. Des feuilles qui froufroutent au-dehors et leur odeur ronde de tabac humide. Le vent frais, léger, à peine une brise. La profondeur noire du ciel bien au-delà des nuages grisés. Et les étoiles, les étoiles.
Debout, les pieds fichés dans le sol, sentir son souffle avec une surprise renouvelée. Ainsi c’est cela respirer ! Je ne sais quoi de la fraîcheur du monde s’incorpore ; quelques fragments de banalité tiède se détachent avant de se dissiper.
Ici rien à vouloir. Dedans dehors, sans intention, dehors dedans. Tout flue et reflue, tout. Incessamment ce tout change pour la première fois.
Adrien Jacot-Des-Combes

Stage de Macolin — Mai 2018
Lors du weekend de la Pentecôte, une vingtaine de pratiquants du Takemusu Dojo se sont rendus à Macolin pour participer durant trois jours à un stage international. Nous avons en effet eu la chance de pouvoir pratiquer sous la direction de Danielle Sensei venue de Californie et de Rein Sensei venu d’Estonie. Jean-Pierre Sensei et Jürg Sensei ont également enseigné.
Ce stage a été placé sous le signe de kansha no kokoro, le cœur de gratitude. Danielle Sensei nous a rappelé dès l’ouverture du stage que cela commençait par une posture physique ouverte et les efforts des pratiquants furent remarquables : qu’il est difficile de ressentir de la gratitude lorsqu’on est fatigué et que notre partenaire ne fait pas ce que l’on veut ! Pratique après pratique, partenaire après partenaire, nous nous sommes ainsi plongés dans cette étude, soutenus par les fréquents rappels des Senseis.
Les trois pratiquants les plus avancés du cours des enfants ont également participé au stage. Leur pratique forte et généreuse manifestait bien que l’aïkido n’est pas une question de taille ou d’âge et leur énergie pétillante nous a rappelé plus d’une fois de redonner de la place aux sourires et à l’enthousiasme malgré la fatigue. Quelle joie que toutes ces générations puissent travailler ensemble et apprendre les unes des autres !
Un tel stage est également une grande expérience de groupe. La plupart des moments entre les pratiques furent en effet passés ensemble et cela donna lieu à de beaux échanges, à la découverte de nouvelles facettes de toutes ces personnes que nous côtoyons sur les tatamis. Peu à peu, le groupe commença ainsi à fonctionner de plus en plus harmonieusement, comme s’il prenait vie et qu’il commençait à respirer en rythme.
Finalement, Jean-Pierre Sensei rappelé que le Fondateur de l’Aïkido souhaitait que tous les hommes de la terre vivent ensemble en paix. Le temps d’un stage et à notre échelle, chacun a pu constater que ce souhait commençait à s’incarner ; les sourires des pratiquants lors de la dernière matinée en étaient un signe évident. C’est ainsi avec beaucoup de gratitude pour les enseignements et pour le chemin parcouru ensemble que nous nous sommes quittés lundi en début d’après-midi.

Stage des 21 et 22 avril 2018 — Juerg Steiner Sensei, 6 dan Aïkikaï Tokyo
Le weekend du 21-22 avril, une quinzaine de pratiquants du Geneva Aikido Takemusu Dojo ont eu la chance de recevoir Jürg Steiner Sensei pour près de 8 heures de stage réparties sur les deux jours.
Jürg Steiner Sensei a pratiqué l’aïkido durant 12 ans au Japon sous la direction de Michio Hikitsuchi Sensei. Sixième dan Aïkikai Tokyo, il est l’un des rares étrangers à être resté aussi longtemps auprès d’un maître d’une telle expérience. De retour en Suisse, il a fondé l’Aïkido Centre Kumano à Bienne et dirige régulièrement des stages en Europe, en Australie ou encore aux États-Unis.
Jürg Steiner Sensei venait de revenir d’un séjour d’un mois au Japon peu avant le début du stage. Il a ainsi apporté la magnifique énergie des montagnes de la région de Kumano et les pratiquants ont pu profiter de la fraîcheur et de la profondeur de son enseignement. Un grand accent a été mis sur la précision des gestes et des placements ; le Sensei rappelait cependant souvent qu’il ne fallait pas se refermer sur soi-même et se concentrer uniquement sur la technique, mais qu’il fallait aussi voir la beauté de la nature et des personnes qui nous entourent. Le temps presque estival et les fleurs sur les arbres étaient particulièrement propices à cet exercice. Clairement, l’impression que le Japon était venu à nous l’espace d’un weekend régnait parmi les pratiquants.
Les nombreuses heures de pratique et le pique-nique canadien du samedi ont également été de magnifiques occasions de resserrer les liens entre les pratiquants. C’est ainsi avec beaucoup de joie et d’impatience pour les pratiques à venir que le stage s’est clos dimanche à midi.
Stage des 24 et 25 mars 2018
Le weekend du 24 et 25 mars, une quinzaine de pratiquants de l’Aïkido Takemusu Dojo ont partagé près de 8h de pratique sous la direction de Jean-Pierre Kunzi.
Le samedi matin, un visiteur curieux aurait pu croire que la pratique allait commencer à 10h comme l’indiquait l’affiche. Cela faisait cependant plusieurs heures que le dojo s’éveillait peu à peu dès l’ouverture des portes et des fenêtres, au rythme des nettoyages silencieux et joyeux des premiers pratiquants. Au moment d’ouvrir le stage, le dojo est étincelant et l’air frais qui l’a rempli rappelle le printemps savoureux du Japon.
Les aïkidokas et le dojo sont ainsi prêts à se plonger dans le misogi, la profonde purification qui va caractériser ces deux jours. Les innombrables chutes et les grands mouvements ronds nous polissent en effet ; le sensei nous le rappelle à plusieurs reprises en prenant l’exemple du galet qui perd peu à peu ses aspérités au gré des vagues et du contact avec les autres cailloux. Au fil des techniques, les tensions se relâchent, les sourires apparaissent et il n’est pas rare d’entendre un rire léger au milieu de cette pratique autrement silencieuse.
Le sensei nous invite également à accueillir toute attaque avec joie et bienveillance. Malgré la grande difficulté de mettre cela en pratique, tous les aïkidokas font de leur mieux et, peu à peu, une magnifique harmonie s’établit dans le groupe. Lors des dernières pratiques, un aïkidoka se trouve au centre d’un grand cercle et les autres l’attaquent à tour de rôle : il semble tout à coup n’y avoir plus qu’un seul grand mouvement vers et depuis le centre, comme les vagues de l’océan qui affluent et refluent sur la plage.
À la fin, les pratiquants sont rincés : les progrès vers plus de détente et de bienveillance se sont faits au prix de beaucoup de sueur laissée sur les tatamis ; mais, comme le rappelle souvent le sensei, c’est lorsque nous n’avons plus la force de lutter que nous pouvons nous ouvrir à autre chose et que la joie apparaît. Le stage s’est ainsi clos avec une joie pétillante et beaucoup de reconnaissance pour tout le chemin parcouru.
Vivement le prochain stage !

Novembre 2016 : une pratiquante d’Aïkido
L’Aïkido a changé ma vie… c’est une chose que je n’aurais jamais imaginé quand j’ai commencé. Le mouvement s’est initié, et j’ai décidé de le suivre… il a fallu du temps !
Il y a des jours où certaines paroles, entendues pourtant des centaines de fois, prennent soudainement tout leur sens, se mettent à raisonner suffisamment fort pour impacter profondément et significativement, appeler à l’action et à la décision !
Il y a des pratiques qui bousculent et qui libèrent, des pratiques qui épuisent et qui invitent à la remise en question. Il y a des pratiques où je me sens particulièrement bien et pleine d’une énergie que je veux partager ; et il y a des pratiques où j’ai besoin de l’énergie du groupe pour tenir debout. Il y a des pratiques où rire et spontanéité s’invitent et d’autres où la rigueur et l’aspect martial prennent le dessus.
Une chose est certaine pour moi : quoi qu’il se passe, je ressors toujours grandie de mon dojo.
Comme dans ma vie quotidienne, le dojo est l’expression d’une palette d’émotions, de rencontres et de situations, qui se suivent mais jamais ne se ressemblent !
Le « ballet » de ces émotions, l’accumulation de souvenirs sur les tatamis et en dehors avec les autres membres de mon dojo, le courage de venir pratiquer lorsque l’envie manque ou que la fatigue prend le dessus m’ont aidée, depuis 5 ans, à traverser les différents moments délicats de mon existence avec la certitude que je sortirai toujours grandie de ces moments et que j’avais une famille sur laquelle compter si cela était nécessaire.
Tout ceci m’a permis d’éviter de perdre de vue l’essentiel… LA VIE elle-même !
Le dojo est pour moi une « zone de paix » et de lâcher-prise, je suis seule à décider comment je vais vivre la pratique qui se profile… et je suis aussi seule à décider de l’importance que je donne aux enseignements que je reçois.
J’ai exporté un grand nombre de ces enseignements dans ma vie quotidienne. Ils m’ont valu de perdre certains de mes proches et de mes « amis » mais m’ont surtout permis de croiser la route de personnes qui pensent positivement, m’acceptent telle que je suis, me permettent d’être moi-même et ont un réel esprit de groupe.
Ce que je cherchais, je ne l’ai pas trouvé dans l’Aïkido… l’Aïkido m’a permis de le trouver en moi !
Marie

Octobre 2016 : une pratiquante d’Aïkido
Pendant des années, j’ai fait le même cauchemar : je rêvais que l’on voulait me tuer ou m’agresser.
Lorsque j’ai commencé l’Aïkido, mon cauchemar a évolué, je me défendais.
Maintenant, je ne fais plus de cauchemars.
Je pense que la vision de moi-même a évolué, je ne me vois plus comme une victime.
Dans mes relations, de travail ou personnelles, s’il y a des problèmes, je me remets en question, mais je ne me positionne plus comme une victime.
Catherine

Un pratiquant d’Aïkido
J’ai commencé l’aïkido à l’âge de quarante ans, sans penser à tout ce que cela allait m’apporter de si joyeux et me confronter au retour sur moi-même.
L’aïkido est vraiment une voie d’harmonie, d’amour, de paix et de bien-être, relative à soi et aux autres.
Pratiquer l’aïkido a changé radicalement mon être. Je deviens, au fur et à mesure de mes pratiques, beaucoup plus délié, souple et léger dans mon corps et mon esprit. Je deviens aussi beaucoup plus harmonieux et en contact avec la terre de mon ancrage, le ciel et sa grandeur, qui se mélangent avec mes propres énergies de vie.
Avoir commencé ce chemin m’apporte au quotidien de ma vie beaucoup d’énergie, de sourire envers moi-même et aussi pour les gens qui m’entourent au quotidien. Cette pratique éveille mon esprit. Cela a vraiment ouvert en moi le don de soi sans se perdre soi-même et juste le faire naturellement sans rien attendre en retour.
Dans ma vie professionnelle, l’aïkido m’amène énormément : j’ai un contact avec mes clients beaucoup plus fluide et les réponses m’arrivent en une fraction de seconde. Mon esprit devient vif et éclairé.
Sur mon chemin, de par les pratiques d’aïkido, j’ai aussi été confronté pas mal de fois à des doutes qui partent et reviennent. Alors, dans ces moments-là, lorsque j’ai ces doutes et des décisions à prendre, je m’entraîne encore plus souvent que d’habitude, et les doutes s’effacent. Les décisions sont prises pour faire place à un espace d’accueil tout nouveau et chaleureux.
Pratiquer l’aïkido est une hygiène de vie au quotidien et un sourire de tous les jours au lever du lit.
Sébastien

Misogi 2014

Janvier 2014. Les tempêtes se succèdent. Hier, le ciel était sombre et bas. Une pluie diluvienne et incessante a rincé la ville, inondé les routes et les champs.
Ce matin, le ciel est dégagé, clair. L’air est pur et froid. La lumière du soleil traverse cet air cristallin et illumine les flancs nouvellement blanchis du Jura, sur l’autre rive du lac. La nature a procédé à son grand nettoyage.
Après la nuit fraîche, les cygnes se mettent en mouvement et s’envolent pour se poser dans l’eau, un peu plus loin. Là, ils s’ébrouent, se secouent, font de brefs envols : une joyeuse danse offerte à cette claire matinée.
À notre tour, nous entrons dans la danse. Vêtus de nos gi, nous formons un grand cercle. Ensemble, nos bokken fendent l’air. Le sabre à double tranchant s’exécute, tranchant simultanément le ciel et notre égo, accompagné de nos vigoureux kiaï. L’esprit est rassemblé. Le centre est fort. Malgré notre tenue légère, la chaleur commence à nous envelopper. Les coupes s’enchaînent avec une vigueur grandissante.
Puis le moment est venu de poser nos vestes et d’entrer dans l’eau. Shin Kokyu, le souffle des Kami. Comme un seul homme, nous accomplissons ce rituel ancestral que nous a transmis O Sensei, réunis dans un même souffle, unis au ciel, à l’eau et à la terre. Dans les jambes, les crampes répondent au froid. Intense, profonde et lumineuse est la pratique : enivrante sensation d’appartenir à cette belle nature, à ce lumineux froid hivernal.
Et déjà le moment du salut arrive. Les pieds engourdis et le sourire aux lèvres, chacune et chacun se rhabille chaudement. Le thé fumant est partagé dans une joyeuse et chaleureuse ambiance.
Conscients d’avoir vécu un moment unique, précieux, d’être entrés dans la danse ronde et magnifique de la grande nature et de nous être purifiés avec elle, nous entrons de plein pied dans la Nouvelle Année.
Ganbatte o kudasai !
Janvier 2014 : un pratiquant d’Aïkido
L’Aïkido, voilà un nom plein de lumière d’harmonie de respect, mais également mystérieux !
Au début du chemin, en pratiquant l’Aïkido j’ai eu du mal à me rendre compte de tout ce que cette discipline pouvait m’apporter comme : joie, bonheur, rires, intuition, santé, mais aussi des éléments auxquels elle me confrontait : doutes, incertitudes, peines, pour ne citer que certains des aspects les plus marquants.
Au fur et à mesure des années de pratique, la voie de l’Aïkido s’est mêlée et entrelacée intimement à mon quotidien dans la vie de tous les jours, m’apportant un meilleur équilibre et une plus grande sérénité.
Je souhaite à toute personne de pouvoir ressentir et vivre l’Aïkido.

Décembre 2013 : une pratiquante d’Aïkido
La pratique de l’aïkido m’a permis d’aller à la rencontre de moi-même. Avant, ma vie évoluait au gré des vents, mue par une hyper adaptation à autrui et à de la peur non ressentie. Petit à petit, j’ai commencé à ressentir mon corps, mes états d’âme et mes sentiments. Le fait de pratiquer avec sincérité — de vraies attaques, de vraies chutes, de vrais mouvements avec un sens physique évident — a stimulé une stabilité, un ancrage fort et a restauré mon estime de moi-même. Puis, par conséquent, ma confiance personnelle s’est renforcée.
Actuellement, j’ai le sentiment d’avoir récupéré ma vie. Je suis mon propre auteur et acteur. Je fais mes propres choix, en référence à moi-même. J’appréhende ainsi les aléas de la vie avec plus de sérénité.
De plus, la pratique de l’aïkido m’amène à une vision du monde et des autres plus humaine, plus tolérante, plus indulgente, plus chaleureuse, et aussi plus sensible, plus pertinente. Mes actes sont aussi plus rigoureux, plus vrais. J’essaye de voir le beau en toute chose et souvent, une joie de vivre et de paix m’habite.
Ce sentiment réconfortant d’appartenance à moi-même, de découvertes infinies, d’expériences si heureuses, ainsi que de reconnaissance me motive à poursuivre ma pratique et à partager ce plaisir.

Décembre 2013 : un pratiquant d’Aïkido
L’Aikido a profondément changé ma vie. Au fil des pratiques, j’ai peu à peu développé une sécurité physique et émotionnelle de plus en plus forte. Ayant moins peur d’être blessé, abandonné ou jugé, je peux accueillir avec beaucoup plus de joie les personnes et événements que je rencontre dans ma vie. Mais il ne semble pas s’agir d’une ouverture naïve : je constate que je suis beaucoup plus souple — dans le corps, mais surtout dans la tête — et plus clair dans ma posture face aux autres personnes ; j’évite ainsi de nombreuses collisions frontales avec les difficultés de la vie et ne permets plus autant aux gens de me « pomper » ou de me culpabiliser. À travers le corps, l’Aikido se révèle de plus en plus à moi comme une voie vers la joie et l’amour.

Novembre 2013 : une pratiquante d’Aïkido
Les faiblesses ou les défauts sur lesquels je travaille dans ma pratique ont une répercussion sur ma façon d’être dans la vie.
Les relations que j’ai avec les gens depuis que je pratique l’aïkido sont plus profondes et sincères.
La rigueur de l’enseignement me donne le sens de la rigueur et de l’engagement dans ma vie, mon travail, mes relations.
J’ai le sentiment d’être plus éveillée au monde qui m’entoure.
Une autre expérience qui, je pense, vient du fait d’être plus éveillée et qui est nouvelle pour moi : j’ai constaté à plusieurs reprises que je ressens comment la personne qui est à côté de moi se sent au plus profond, comme si un sentiment m’envahit. Mais je reste consciente que cela ne m’appartient pas.

Mai 2012 : Un maître japonais à Genève
Il s’appelle Kuribayashi Sensei. Il est petit et se tient tout droit. Ses pieds nus et larges sont solidement ancrés sur les tatamis. Son visage rond est toujours souriant. C’est la première fois qu’il vient transmettre son enseignement à Genève. Il a commencé à pratiquer l’Aïkido à l’âge de 23 ans. Il s’entraîne tous les jours avec cette précision toute japonaise. Maintenant, il a 65 ans. Il est détenteur d’une expérience riche, issue directement du Fondateur de cet art.
À Chêne-Bougeries, le Dojo qui l’accueille est tout petit, et pourtant si grand de par son rayonnement. Les nombreux pratiquants sont serrés et doivent faire preuve d’une grande vigilance pour viser un étroit espace de tatami où chuter. Pour l’événement, des aïkidokas et des Dojo Cho (responsables de Dojo) ont fait le déplacement depuis d’autres cantons, depuis la France et même depuis l’Estonie. Il faut dire que l’événement est exceptionnel, tout comme le maître. Et de préciser que le Dojo est riche de quelques belles relations tout autour du monde.
Les démonstrations et les explications sont limpides. L’écoute est attentive. La pratique est fluide et silencieuse. Telle une danse ronde et magnifique, les pratiquants tournent, chutent et se relèvent à tour de rôle, se partageant en toute harmonie le peu d’espace disponible. Le maître passe de l’un à l’autre, observe attentivement, puis distille quelques précieuses corrections. L’attention est totale. Le temps passe inaperçu.
Déjà vient la fin. Quelques belles paroles pour conclure. Des remerciements aussi, du fond du cœur. Et puis, bien sûr, une photo du groupe pour immortaliser ce moment privilégié. Rapidement la table est richement garnie dans le Dojo, pour encore profiter de quelques joyeux échanges avant la séparation.
Des lumières brillent dans les yeux.

Novembre 2011 : une démonstration
On aurait pu s’attendre à ce que cela commence un peu comme une pièce de théâtre. On aurait vu d’un côté des acteurs conscients du public, lui présentant des mouvements soigneusement répétés pendant des semaines, et de l’autre des visiteurs venus assister à un spectacle se déroulant à une distance convenable. Le tout aurait commencé un peu en retard pour attendre les derniers arrivés.
L’Aïkido est décidément une discipline surprenante.
Cela débute en avance et prend tout à fait la forme d’une pratique habituelle : salut et respect au début puis présentations du sensei et application des élèves à marcher dans ses pas, corrections aussi parfois, mais rares. Et le silence : aucune parole entre les pratiquants, chacun concentré sur son chemin. Les personnes venues assister à la démonstration arrivent peu à peu, et prennent place. Ce qui leur est proposé, c’est un contact direct avec un art martial japonais. Certaines chutes s’arrêtent à quelques centimètres des spectateurs qui se montrent attentifs, concentrés sur ce qui se passe ; d’une certaine façon ils sont happés au cœur même de la pratique. Ce n’est que plus tard, sans prévenir, que Juerg Steiner sensei donne le signal du début de la présentation.
Jean-Pierre Kunzi, responsable du Takemusu dojo, prend la parole et souhaite la bienvenue aux personnes présentes. Il donnera au fur et à mesure quelques explications sur la pratique de l’Aïkido.
Les enfants commencent et montrent quelques wazas parmi ceux qu’ils ont appris. Lorsqu’ils arrivent au bout de ce qui leur vient, ils se saluent et retournent à leurs places. C’est leur désir de bien faire qui frappe, leur concentration.
L’Aïkido est le dernier venu des arts martiaux japonais. On doit cette discipline à maître Morihei Ueshiba, né en 1883 et mort en 1969. Elle se différencie des autres en ce sens qu’elle ne se donne pas pour but d’anéantir l’adversaire, mais bien plutôt de l’accueillir et de retourner une situation néfaste. Il ne s’agit pas d’entrer en symétrie avec l’agresseur, d’accepter le type de relation qu’il propose, mais de l’empêcher, en toute sécurité, de mener à bien son action nuisible.
À tour de rôle, les pratiquants avancés présentent des techniques. Souvent cela ressemble à une danse, mais une danse improvisée. Cette dimension harmonieuse est centrale dans la pratique, car le but n’est pas de vaincre, mais d’apprendre peu à peu à entrer en syntonie avec son environnement. En harmonisant son énergie avec celle de l’univers, on s’accorde au mouvement naturel des choses, des événements. Il devient alors possible de guider son adversaire vers un lieu tranquille.
Jean-Pierre Kunzi Sensei présente des techniques avec des adversaires multiples armés de sabres et de couteaux. Ses gestes sont précis et rapides, mais non pas précipités, puissants, mais non pas violents. Les projections partent en tous sens, le mouvement est bouillonnant.
Juerg Steiner sensei présente une démonstration. C’est le point culminant. Les techniques proposées sont très variées, chacune semblant s’imposer sur le moment. Sa tranquillité intérieure est manifeste, son souffle profond, son alacrité rayonnante. Et s’il s’interrompt, ce n’est pas par manque de ressource, mais par désir de ne pas s’imposer plus longtemps.
Le public est alors invité à poser des questions.
Une personne remarque l’importance de la respiration et demande si elle est l’objet d’un travail particulier. Juerg Steiner sensei répond que le souffle est très important. On aspire l’énergie de l’agresseur pour l’expirer ensuite dans le waza.
Une autre relève les différences entre les pratiquants, remarquant que certains sont plus doux et d’autres plus secs. L’Aïkido n’est pas figé, répond le sensei. Chacun pratique à son niveau selon sa personnalité, selon le moment, la saison. Les formes sont variables.
Comment encourager les enfants qui ont commencé à poursuivre leur effort, demande une autre. Juerg Steiner sensei répond qu’il faut que le cours soit joyeux, que les enfants doivent pouvoir s’ébattre, jouer. Il dit aussi qu’il est important que le maître soit sévère, qu’il indique clairement la direction du travail et qu’il guide les enfants dans la bonne direction.
Une dernière question porte sur l’efficacité de l’Aïkido hors des tatamis. Le senseï répond qu’un aïkidoka expérimenté devrait sentir venir l’agression avant qu’elle ne se manifeste et devrait l’éviter. S’entraîner, c’est apprendre à ne pas combattre. Un combat est toujours dangereux et risqué. Il faut apprendre à se mettre en sécurité. Toutefois, si on en arrive là, les techniques sont efficaces.
Les visiteurs sont ensuite invités à venir essayer quelques techniques sur les tatamis. Ces contacts proches se prolongent en conversation. Certaines questions trouvent des réponses en gestes, plutôt qu’en mots. Les pratiquants sortent de l’espace des tatamis pour boire un verre en compagnie des visiteurs. Une énergie harmonieuse, chaleureuse, se répand entre les personnes présentes et réunit pratiquants et visiteurs. Les enfants jouent au loup, rient, galopent entre les adultes.
Vie joyeuse, et mouvante.
Adrien Jacot-Des-Combes

Hikari no waza

C’est par ces mots que Juerg Steiner sensei a ouvert le stage qu’il a donné à Genève les 13 et 14 novembre 2010.
Hikari no waza. Les techniques de la grande lumière. C’est la direction que Juerg sensei a choisi de donner au travail. Il s’agit de laisser entrer la lumière, de la laisser habiter les techniques. Sans cette dimension dans l’entraînement, on ne réalise que des mouvements du corps, des gestes volontaires, trop souvent brusques et rigides. Pour peu que l’on permette à la lumière de s’infiltrer peu à peu, on commence à ressentir une facilité d’exécution. Il devient plus aisé de bouger au moment juste, de garder sa stabilité, de guider son partenaire sans le contraindre.
Hikari no waza. Cette calligraphie se trouve dans le Kumano Juku Dojo de Shingu, sur la droite. Cette attache, ce lien avec la source de l’Aïkido est fondamental. C’est comme passeur que Juerg sensei est venu donner ce stage, passeur de l’enseignement qu’il a reçu de Hikitsuchi sensei et qu’il continue de recevoir de Anno sensei. Les explications qu’il donne, par exemple sur la pratique du bokken, du sabre en bois, il les a lui-même reçues de ses maîtres. Il s’attache à les porter plus loin, à permettre à d’autres d’en profiter.
A observer Juerg sensei, on est étonné par la simplicité de ses mouvements, impressionné par leur immédiate évidence. Le corps est très exactement placé à l’endroit adéquat. Quel que soit le partenaire qui attaque, les gestes se suivent, coulés l’un dans l’autre, comme si l’accord se faisait instantanément entre l’intensité, la force de l’attaque et la technique pratiquée. Ses wazas sont pleins d’énergie et de rondeur. L’ensemble rayonne d’une grande beauté. Aïkido, c’est tout à la fois un art martial puissant et une danse ronde et magnifique.
Juerg sensei insiste beaucoup sur l’importance du sentiment dans la pratique. La maîtrise des techniques est importante, mais elles sont secondaires par rapport à l’état d’esprit. C’est avec le sourire qu’il faut pratiquer l’Aïkido. On offre ainsi à son partenaire un peu de la joie que l’on éprouve soi-même. On n’apprend pas à détruire l’adversaire, mais à rendre inefficaces ses actions nuisibles, en gardant pour lui toute sa considération. Le travail vise à permettre à l’harmonie de régner gaiement en soi et autour de soi dans les aléas et les turbulences de la vie. Juerg sensei rappelle alors les paroles que Hikitsuchi sensei prononçait souvent : Aïkido se pratique Shin-ken shô-bu, comme si sa vie était en jeu. C’est par cette intensité de la pratique qu’on peut petit à petit se purifier, se débarrasser de sa part d’ombre et laisser entrer en soi la lumière.
Au-dehors, le soleil brille dans un ciel lavé par les pluies des jours précédents. Les rayons chauds pénètrent obliquement par les vitres du dojo. Leur splendeur immerge les pratiquants dans le flot continu de la grande lumière. Hikari no waza.
Adrien Jacot-Des-Combes